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Boukary Kaboré dit le lion à propos de Thomas Sankara:« C’est après sa mort que même les ennemis ont reconnu qu’il était un grand homme »

En prélude à l’anniversaire de la mort de Thomas Sankara depuis 1987, nous avons rencontré un de ses compagnons d’armes en la personne de Boukary Kaboré dit « le Lion ». Dans un langage direct, celui-ci nous a relaté ce qu’il retenait de cet homme qu’il dit être un grand homme d’Etat. Comme on pouvait s’y attendre, il ne tari d’éloges à l’endroit de celui qu’il dit être son frère jumeaux.  « Il pouvait diriger tout le continent voire le monde ». Lisez plutôt.

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« J’ai l’impression qu’à chaque fois que l’on fait une manifestation entrant dans le cadre de l’assassinat de Thomas Sankara,  c’est pour mettre les épines dans la plaie de la famille Sankara. Les gens utilisent le 15 octobre pour leur visibilité politique. Si c’est pour compatir en sa mémoire, je  pense qu’il faut réhabiliter l’homme d’abord. Si nous en tant que nationaux,  nous n’arrivons pas à voir la grandeur de l’homme, c’est dire en réalité que  nous sommes comme des complices. Sankara a été  un communiste réaliste.  Il était un patriote sincère. Il était le sociable par excellence. Si on n’est pas sociable, il est difficile de faire de l’amitié. L’homme était là pour servir et non pour se servir. Il a mis son intelligence au service de sa nation. Nous, aujourd’hui, nos égarements viennent du fait qu’on veut se servir et non servir la Nation. C’était plutôt l’intérêt du peuple qui le préoccupait, et non son propre intérêt. Il était un homme spécial, car entre la théorie et la pratique, il a su faire le lien.  Seul Dieu est parfait, c’est pourquoi j’aime dire que Thomas était un communiste conséquent. Thomas avait une intelligence qui lui permettait d’être parfait même s’il n’existe pas de parfait parmi le commun des mortels. Il était un homme particulier, étant donné qu’il a su mettre en conformité les idées de Karl Marx et Angel avec sa population. Il a transcendé le niveau africain et mondial, parce qu’il avait mis ses prouesses, pas seulement au service de sa Nation, mais au service du monde entier. Ce n’était pas tous les panafricanistes à l’époque qui avaient la même vision des choses. Quand tu disais Kwamé N’krumah, il fallait aussi dire Thomas Sankara. Il faut qu’on reconnaisse en lui un grand homme.

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« Thomas Sankara savait concilier la théorie avec la pratique »

Nous entretenions de bonnes relations. On s’appelait même « pays pays ». On a travaillé lui et moi sur pas mal de thèmes à  huis clos à Koudougou. Si je veux  trop parler, cela ressemblerait à  de la vantardise.  Nous étions comme des frères jumeaux et on échangeait cordialement. Ce qui m’a marqué le plus chez l’homme, c’est qu’il était pragmatique. Il était quelqu’un qui voulait toujours avoir raison, donc il murissait fortement ses idées avant de débattre. La différence entre  lui et les autres, est qu’il mettait toujours en pratique ce qu’il disait. En prenant des exemples sur les débats qu’on a eus surtout sur son assassinat, je lui avais dit qu’il y avait une meilleure solution, c’était l’arrestation de Blaise. A cette suggestion, il disait toujours non. Je savais que si Thomas mourait, la Révolution allait disparaître avec, mais lui (Thomas Sankara) est resté convaincu du contraire.  Et il me répondait à tout moment en ces termes : « s’il me tue, c’est le président qu’il aura tué et les gens parleront à longueur de jour de ce que l’on a fait ».  Je lui ai donc demandé de démissionner. Tellement convaincu, il a refusé cette suggestion.   

  

« Je devais mourir avec lui mais on ne m’a pas eu »

Thomas Sankara avait suffisamment les potentialités de diriger un continent voire le monde. En son temps, nous avons eu à critiquer les russes, les chinois, les cubains. Quand on a la suprématie et qu’on arrive à utiliser cela en arme, ce n’est plus la peine. Il a osé critiquer ouvertement devant l’assemblée générale de l’Organisation des nations unies. Ceux qui se prenaient comme des demi-dieux l’ont même traité de fou. Il n’y avait de doute sur la grandeur d’esprit de Thomas Sankara. Les gens trouvaient qu’il improvisait. Si ce que Thomas Sankara a pu réaliser en quatre ans avec le peuple Burkinabè constitue de l’improvisation, il faut tout simplement dire que c’était un prophète. Les cités du 4 Août ont grandement contribué à résorber le problème de logements des Burkinabè. Il est de même pour les logements sociaux des 1200 logements. Vous imaginez-vous si cette politique avait continué avec le président Thomas Sankara, cela devrait pouvoir résoudre les problèmes de logements. Il était au dessus de la compréhension de son peuple. C’est après sa mort que même les ennemis de Thomas Sankara ont reconnu qu’il était un grand homme. En quatre années, tout le monde entier a compris que cet homme a insufflé du génie dans le développement socio-économique du pays. Je devrais mourir avec lui mais, on ne m’a pas eu. On devrait mourir à quatre. Il y avait les trois hommes de la sécurité et le président Sankara. Les trois hommes de la sécurité étaient « le lion », Boukary Kaboré, le chef de corps par intérim Michel Kouanda, le sous lieutenant Sigué. C’est pour créer un scenario pour tuer « le lion » qu’on a soutenu que Koudougou était en rébellion. Le Burkina est certes un petit pays mais il regorge de grands hommes.  

Propos recueillis et retranscris  par Ibrahima ZALLE



14/10/2014
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